Affaire Guy Nzouba Ndama : l’analyse fine de Jo Dioumy Moubassango

En fin connaisseur de la politique gabonaise, Jo Dioumy Moubassango nous a livré son sentiment à la suite de l’interpellation du Président du parti les Démocrates Guy Nzouba Ndama. Il fait une analyse fine et inattendue de cette affaire. Voici l’intégralité de son propos :

Un milliard de Francs CFA n’est pas une grosse somme à l’échelle politique en République gabonaise mais pour le gabonais ordinaire, c’est à la limite effrayant. Pourtant, les procès des ajeviens, tenus récemment ont annoncé des sommes bien plus vertigineuses qu’un seul milliard détenu par le président des Démocrates Guy Nzouba Ndama.

A ce jour, ni l’état gabonais, ni l’état congolais n’a déclaré publiquement avoir perdu la somme de 1 milliard cent quatre-vingt-dix millions. On peut donc s’imaginer que cet argent soit celui de Guy Nzouba Ndama.  

Ce qui lui est reproché a été explicitement exprimé par le substitut du procureur, qui a lu une déclaration, ce dimanche 18 septembre 2022. Il est reproché à Guy Nzouba Ndama une simple détention irrégulière de fonds.

Dans sa communication, le substitut du procureur s’exprimant sur la question a dit mot pour mot ceci : « Ce dimanche 18 septembre 2022, conformément aux dispositions sus-citées, les fonds confisqués ont été reversés au Trésor public par les services de la douane sous le contrôle du parquet de la République ».

Je constate pour m’étonner que le Trésor Public dans la province du Haut-Ogooué, était ouvert un dimanche et les fonctionnaires de cette administration, présents à leurs postes pour recevoir les fonds querellés, en violation des dispositions du code du travail en République gabonaise qui consacrent les jours ouvrables pour l’administration publique de notre pays. C’est assez curieux pour le relever.

La suite de la communication du substitut du procureur est encore plus étonnante : « Une enquête sera ouverte sur la base d’un procès-verbal établi par les services de la douane et transmis au parquet de la République, afin de déterminer l’origine et l’usage prévu de ces fonds ».

Ce qu’on nous apprend en substance ici est que des fonds, dont on ne connait ni l’origine ni l’usage prévu, et pour lesquels l’auteur n’a même pas encore été confronté par une enquête, puisque le substitut du procureur elle-même déclare que l’enquête sera ouverte ce lundi seulement, ces fonds-là sont déjà reversés dans la plus prestigieuse administration financière de notre pays.  Incroyable.

Guy Nzouba Ndama n’est pas au-dessus de la loi gabonaise, mais il n’est pas non plus en dessous. Que les gens ne se trompent pas. Ici, je ne défends pas « le transporteur » du milliard mais je défends la justice gabonaise. Toute procédure judiciaire doit constater des faits bien sûr, respecter la procédure et s’appuyer sur des éléments de droit. Le sentiment d’une procédure particulièrement expéditive m’interroge.

Que dit la loi sur la détention irrégulière des fonds et quelles sont les sanctions encourues par l’ancien président de l’Assemblée nationale ? Au passage, la question de l’origine des fonds peut facilement être traitée et tracée par la justice gabonaise par contre celle de l’usage prévu de ces fonds pourrait faire l’objet d’une spéculation politiquement prévisible. Les hommes avertis voient déjà la tentation de certains de nous servir l’hypothèse de la tentative de déstabilisation des institutions du pays. Bref.

En ma qualité de citoyen gabonais libre d’émettre une opinion (droit constitutionnel), j’aimerais dire ceci : Si on pouvait perquisitionner les domiciles des tous les hommes politiques tous bords politiques confondus, l’argent retrouvé pourrait construire l’entièreté de la Baie des Rois. La crise de confiance et le caractère brutal des réaménagements successifs, a poussé les responsables politiques à ne plus faire confiance aux banques du pays. Si les pays de la CEMAC veulent saloir qui garde des milliards à la maison, il suffirait simplement d’acter la mise en circulation de nouveaux billets en F CFA, et d’inviter les uns et les autres à venir échanger leurs anciens billets par les nouvelles coupures et ce avant août 2023. Vous serez surpris de la longueur de la file indienne qui se formerait dans la rangée des milliardaires, rien qu’au Gabon.

Pour revenir sur le cas Guy Nzouba Ndama, si un homme a été assez naïf pour penser qu’il pourrait faire passer plus d’un milliard de Francs CFA, à partir des frontières terrestres de la province natale de son adversaire politique, c’est qu’il n’a pas l’intelligence nécessaire pour diriger tout un pays. Peut-être serait-il plus sage pour les Démocrates d’écarter leur président de la gestion des affaires courantes du parti pour le temps de l’affaire, ceci pour éviter que leur discours ne devienne inaudible auprès des populations, et indigne d’être porté au sein de l’hémicycle de l’Assemblée Nationale.

Il y a une dose d’immoralité dans cette affaire. Le courage politique doit exiger du parti les Démocrates, de prendre une décision difficile mais courageuse. Aussi, voudrais-je m’indigner du traitement humiliant réservé au président Nzouba Ndama par les gendarmes lors de son interpellation. La volonté des agents de médiatiser cette affaire ne rentre pas dans les missions respectables qui leur sont assignées.   

Jo DIOUMY MOUBASSANGO, Homme politique gabonais